"Je suis comme tous les vrais amoureux, je vais dans tous les sens, je m'égare, sauf devant l'image fixe de l'être aimé." Rescapée d'un naufrage, Viola arrive en Illyrie où, pour se protéger, elle se travestit en homme et prend le nom de Césario. Elle entre alors au service du Duc Orsino qui, charmé, en fait son page et le charge de transmettre son amour à la comtesse Olivia. Mais Césario / Viola, secrètement sédui.t.te par le Duc, excelle si bien dans sa mission que la comtesse s'éprend du.la messag.er.ère... Réputé pour ses mises en scène alliant fidélité à la situation dramatique et liberté d'interprétation, Thomas Ostermeier, à travers cette intrigue amoureuse placée sous le signe du travestissement, souligne combien l'éveil du désir peut être vertigineux et la question du genre, troublante.
"Je suis impie, ayant tué ma mère. Mais le titre opposé, celui de fils pieux, me revient bien aussi, car j'ai vengé mon père. Que devais-je faire ?" Après un long exil, Oreste, le fils d'Agamemnon, rentre dans Argos. Avec sa soeur, Électre, ils décident de venger le meurtre de leur père et de tuer l'usurpateur et leur propre mère. Unis dans la violence, ils devront pour ces crimes faire face au jugement des habitants d'Argos... Après le grand succès des Damnés, Ivo van Hove retrouve la troupe du Français et réunit deux pièces d'Euripide pour offrir une nouvelle interprétation de cette tragédie antique.
A mi-chemin entre une pièce de théâtre et le one man show, le spectacle des Bodin's est une comédie déjantée qui brosse un portrait hilarant et touchant du monde rural. La mère : 87 printemps, de la dynamite. Le fils : puceau sentimental, cherche femme. Dans leur cuisine campagnarde, à l'église paroissiale ou en virée nocturne à solex, rien ne les arrête. Il faut dire que le fils passe pour la 38ème fois son CAP de charpentier et que la mère est prise de vapeurs amoureuses remontant de la dernière guerre...
Maria Bodin, valeureuse grand-mère au moral d'acier, se trouve assaillie par ses concitoyens qui, inquiets pour leur tranquillité et leurs platanes, veulent lui interdire d'utiliser son "Velosolex" sur le territoire de sa commune natale. Il s'ensuit toute une série d'épisodes rocambolesques qui la ramèneront à sa liberté...
Spectacle enregistré Salle Raymond Devos à Monnaie (37) en mars 1998 avec l'aimable autorisation des "Devos de l'humour".
"J'ai dans la tête certaine petite vengeance dont je vais goûter le plaisir." Pendant l'absence de leurs pères, Léandre est tombé amoureux de Zerbinette tandis qu'Octave a épousé Hyacinte. Mais Géronte et Argante sont de retour à Naples pour imposer à leurs fils respectifs un mariage arrangé. Heureusement, Léandre a un valet du nom de Scapin qui a plus d'une astuce dans son sac pour démêler cette double intrigue conjugale ! Usant de ruses et d'un talent certain de comédien, le valet réussit même à soutirer de l'argent aux pères avares pour mieux asseoir l'amour des deux couples. Molière reprend ici l'un de ses thèmes de prédilection, le choc des générations. Scapin met à nu l'ingratitude de la jeunesse envers les aînés et le ridicule de ces pères prêts à tout pour imposer un ordre que les fils ont déjà arrangé à leur guise. La puissance comique du texte, la mise en scène vive et précise de Denis Podalydès, les talents conjugués de la Troupe de la Comédie-Française, les décors, les costumes : tout concourt à faire de ces Fourberies une réussite incontournable et irrésistiblement drôle.
L"Ah ! qu'un homme comme cela mériterait bien ce qu'il craint ! et que j'aurais de joie à le voler !" Harpagon, un bourgeois avare, souhaite épouser la jeune Mariane et marier sa fille Elise au Seigneur Anselme. Il ignore que Cléante, son fils, est amoureux de la jeune Mariane et que sa fille Élise aime un jeune sans le sou, Valère, qu'il vient d'embaucher comme intendant. Dans cette mise en scène marquante, Jean-Paul Roussillon donne à ce grand personnage de Molière une profondeur toute nouvelle : en le peignant avant tout en avare amoureux, il essaie, selon ses propres mots, "d'en faire un homme plus humain et plus complet qu'un fantoche."
Le roi va mourir et il ne le sait pas. Or, les signes sont là : le royaume se lézarde, le palais menace de tomber en ruine. La nouvelle est imminente, et il faut bien la lui apprendre. C'est tout le sujet de cette tragédie bouffonne...
Molière est l'auteur le plus illustre de la Comédie-Française, maison à laquelle le public donne souvent emblématiquement son nom. Attaquant directement les faux dévots, Molière attisa la colère de l'Eglise avec cette pièce créée en 1664 et aussitôt interdite.
Figaro, le valet du comte Almaviva, doit épouser Suzanne, camériste de la comtesse. Mais le comte, qui n'est plus aussi amoureux de sa femme, ne détesterait pas voir rétablir certain "droit du seigneur" que lui-même a aboli : il poursuit donc Suzanne de ses assiduités en lui faisant miroiter la dot qu'il lui a promise. De son côté, Marceline, femme d'un certain âge, entend se faire épouser par Figaro en vertu d'une dette moyennant une promesse de mariage. Or, le juge de paix n'est autre que le comte Almaviva et, pour se venger du dédain de Suzanne, il pourrait bien ordonner ce mariage...
Jeune fée des eaux vives, Ondine épouse Hans, un chevalier errant. Ce faisant elle accepte le pacte des Ondins: si Hans la trompe, elle l'oubliera et il mourra. En découvrant l'amour, Ondine découvre aussi le monde des hommes: l'infidélité, l'hypocrisie, la jalousie. Hans, lui, rencontre un univers fantastique fait de pureté, de sacrifice, d'amour et de mort... Jean Giraudoux, magnifiquement servi par la troupe de la Comédie-Française, fait le procès de l'amour impossible, mêlant l'humain, le prosaïque et le tragique à l'absolu, au merveilleux, à la poésie.
Il y a un an que le général Prozorov, officiant dans le chef-lieu quelconque d'une région loin de Moscou, est mort. Olga, Macha et Irina, ses trois filles, ne songent plus qu'à quitter cette sinistre bourgade où elles dépérissent. Jeunes, charmantes, sensibles, instruites, « l'ennui les étouffe comme l'ivraie étouffe le blé ». Diverties par les militaires, les projets de mariage, l'illusion de jours meilleurs et d'une vie à Moscou, elles ne parviennent pas à sortir de cette torpeur. "Oui mais tout de même, le sens ?" demande Macha... Jean-Paul Roussillon met en scène, pour la première fois à la Comédie-Française, une version sombre et réaliste de l'une des plus grandes oeuvres de Tchekhov.
Ce spectacle pour acteurs et marionnettes nous embarque à bord du Nautilus, vaisseau légendaire tenant à la fois du monstre marin et du navire de pointe commandé par le Capitaine Nemo. On y retrouve les personnages du roman de Jules Verne : le Professeur Aronnax et son fidèle domestique Conseil qui, avant de faire naufrage et d'être les prisonniers de Nemo, s'étaient lancés à la poursuite du fameux narval géant à bord de l'Abraham-Lincoln aux côtés du harponneur Ned Land. Le Capitaine Nemo, véritable pirate moderne, les entraîne malgré eux dans un tour du monde à travers les océans, où l'expérience scientifique se mêle à la poésie des grandes profondeurs. Sur la scène du Théâtre du Vieux-Colombier, c'est accompagnés d'une troupe de poissons que les acteurs nous font voyager au coeur de ce monument de la littérature. "20 000 lieues sous les mers" a reçu le Molière de la création visuelle 2016 et le prix de la critique 2016 du meilleur créateur d'éléments scéniques.
Une rivalité ancestrale oppose les familles Capulet et Montaigu. Mais, lorsque Roméo Montaigu rencontre Juliette Capulet, naît immédiatement entre eux un amour dont ils savent l'éternité et pressentent la fin tragique... Pièce légendaire du répertoire, Roméo et Juliette est devenue, au fil du temps et des multiples adaptations dont elle a été l'objet, l'incarnation de l'histoire d'amour absolue. Eric Ruf s'empare du mythe, le transpose dans une ville du sud de l'Italie écrasée de soleil et fait ressurgir l'humour et la noirceur du texte de Shakespeare. La pièce a été filmée lors d'une représentation publique à la Comédie-Française en 2016, à l'aide de huit caméras, par Don Kent, maître incontesté de l'enregistrement de spectacles vivants (également Les damnés d'Ivo van Hove au Festival d'Avignon).
"Il est vrai : ma raison me le dit chaque jour , Mais la raison n'est pas ce qui règle l'amour."
Alceste aime Célimène, une jeune veuve éprise de liberté. Hanté par un procès dont il redoute l'issue, Alceste se rend chez elle, accompagné de son ami Philinte auquel il reproche ses complaisances vis-à-vis de la société. Il souhaite que sa maîtresse se déclare publiquement en sa faveur. Mais c'est sans compter l'arrivée impromptue d'Oronte, de deux marquis, d'Éliante et d'Arsinoé...
Poussés à bout par la radicalité d'Alceste, prêts à s'extraire de toute forme de mondanité, les personnages dévoilent, le temps d'une journée, les contradictions du genre humain soumis à un coeur que la raison ne connaît point.
Une relecture toute en finesse du classique de Molière, filmée pour un direct avec Pathé Live lors d'une représentation publique à la Comédie-Française le 9 février 2017.
Un orateur, interprété par l'acteur Romain Daroles, prétextant parler de la pièce dont vous lisez actuellement le synopsis, finit par raconter et interpréter Phèdre de Racine.Alors les différentes facettes de l'oeuvre se déploient joyeusement sous l'effet de l'enthousiasme réjouissant de ce spécialiste : la langue unique et merveilleuse de Racine, la force des passions que l'auteur classique dépeint mieux que personne, les origines mythologiques des protagonistes (Phèdre, "fille de Minos et de Pasiphaé", petite-fille du Soleil, demi-soeur du Minotaure, etc.), le contexte histo- rique de l'écriture de la pièce (théâtre classique français du XVIIe siècle), l'écriture en alexandrins...
Criminelle, adultère, incestueuse, Lucrèce Borgia veut s'arracher au mal qui est sa condition, se faire reconnaître et aimer de Gennaro, l'enfant qu'elle a eu avec son frère. Lors d'un bal à Venise, Gennaro courtise une belle masquée avant de découvrir avec horreur le visage de Lucrèce, lui qui a les Borgia en aversion. Piquée par l'affront des amis de Gennaro qui l'insultent, et soupçonnée d'adultère par son mari, Lucrèce enclenche une vengeance déchirante... Rarement oeuvre dramatique n'est allée aussi loin dans la mise en scène de l'amour maternel. Lucrèce est un monstre moral mais ce monstre est une mère aimante. "Victor Hugo a écrit Lucrèce Borgia pour raconter la perle qu'il y a au fond de chaque monstre" nous rappelle Denis Podalydès, qui signe sa troisième mise en scène à la Comédie-Française après Cyrano de Bergerac et Fantasio.
Monsieur Teste, partisan du "ni dieu ni maître", se livre à une introspection en règle, aussi rigoureuse que passionnée et fait part avec humour de ses réflexions.
L'histoire de Norodom Sihanouk est celle du peuple khmer pris dans les tourments du XXe siècle. Sous nos yeux, une jeune troupe d'orphelins ranime la mémoire silencieuse des années sombres, au milieu d'un décor sommaire : une chaise en bois pour trône, une pièce de tissu en guise de palais. C'est là toute la beauté d'évocation du spectacle de Georges Bigot (d'après la mise en scène originale d'Ariane Mnouchkine) qui, sous une forme vivante et bouleversante, montre un peuple tentant de se reconstruire. Retrouvant les traditions et arts de la scène d'avant la tragédie, il ravive des drames trop longtemps passés sous silence et nous permet d'assister à la naissance d'une troupe. En 1984, Hélène Cixous, bouleversée par son voyage dans un Cambodge en pleine tourmente, mettait péniblement des mots sur l'horreur du génocide en écrivant sa "tragédie élisabéthaine contemporaine", pour reprendre les mots de Georges Bigot, L'Histoire Terrible mais Inachevée de Norodom Sihanouk, Roi du Cambodge, pièce qu'Ariane Mnouchkine portera sur scène avec les comédiens du Théâtre du Soleil l'année suivante. Dans la salle, se trouve alors Ashley Thompson, depuis devenue professeure associée à la School of Fine Art, History of Art and Cultural Studies de l'Université de Leeds, spécialiste de l'histoire culturelle khmère. Sous son impulsion, depuis 2007, le Théâtre du Soleil travaille à la recréation en khmer de cette pièce avec les apprentis comédiens du Phare Ponleu Selpak de Battambang. Cette fois, ce sont donc les descendants des victimes des Khmers rouges eux-mêmes qui viennent nous conter l'histoire douloureuse et chaotique du peuple cambodgien, pris dans les tourments du 20e siècle. A travers les indications scéniques de Georges Bigot (comédien de la pièce originale d'Ariane Mnouchkine), à travers aussi des jeux d'improvisation, de traduction et de réappropriation autour de la poésie d'Hélène Cixous, dans cette dynamique spéculaire du proche et du lointain, c'est la dure conquête de la mémoire et de l'identité qui se joue sous nos yeux.
Captation du spectacle d'Amos Gitai présenté au Festival d'Avignon, La guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres est adapté de la chronique La guerre des Juifs de l'historien Flavius Josèphe (Ier siècle après JC). Ce document raconte comment l'état hébreu a perdu sa souveraineté à l'issue d'une guerre contre les Romains dont les étapes les plus marquantes sont la prise de Jérusalem, la destruction du Temple et la chute de Massada. Dans cette mise en scène au coeur de la carrière Boulbon, lieu minéral magique au sud d'Avignon, Jeanne Moreau est assise à une table et endosse le rôle de l'auteur. Elle est entourée de comédiens qui incarnent les personnages du livre dans cette réflexion poétique et politique sur le Proche-Orient contemporain. Pour Amos Gitaï, le texte de Flavius Josèphe "fait partie de ses fantômes" et il lui semblait important de le faire entendre à nouveau aujourd'hui.
Le Vieux et la Vieille, 95 et 94 ans, vivent dans l'isolement. Chaque jour, ils trompent l'ennui, ressassent les mêmes souvenirs, rêvent du poste de "quelque chose en chef" que lui aurait mérité d'occuper. Surtout, le Vieux a un message d'importance à délivrer à l'humanité avant sa mort. Alors, ils invitent toutes leurs connaissances. Tous viennent mais personne ne se montre. À chaque nouveau convive invisible, on offre une chaise. Peu à peu l'espace manque, spectateurs et personnages étouffent peu à peu dans cette farce tragique. Tsilla Chelton et Jacques Mauclair ont été les premiers à reconnaître et défendre le talent de Ionesco, créant plus d'une dizaine de ses pièces. Un amour et une authenticité intacts dans cette adaptation télévisuelle, complétés d'une veine comique indémodable.
"Monsieur l'impertinent, vous avez beau faire, vous deviendrez charmant sur ma parole, je l'ai entrepris." L'histoire est celle d'un jeune Parisien à qui ses parents ont trouvé un bon parti, fille de comte. Mais à son arrivée chez eux, le beau garçon - dont les codes parisiens sont à mille lieues des règles de bienséance en vigueur en province - ne saurait ouvrir son coeur à la charmante personne qui lui est destinée. Piquée, cette dernière décide de le corriger de son arrogance tandis qu'une ancienne amante fait le voyage pour empêcher le mariage. Alliance du maître et du valet, complicité de la maîtresse et de la servante, ce chassé-croisé amoureux s'emballe entre conspirations badines et ébullition des sentiments. La troupe de la Comédie-Française, dirigée avec brio par Clément Hervieu-Léger, se joue des ridicules et redonne vie à une pièce méconnue de Marivaux.
"Quand l'amour parle, il est le maître, et il parlera." Araminte a trois grandes qualités qui la distinguent de toutes les autres femmes : elle est belle, elle est riche, elle est veuve. Il n'est pas étonnant qu'elle soit doublement courtisée, par le Comte et par Dorante. Ce dernier, garçon de bonne mine mais complètement ruiné, parvient à se faire engager chez elle en tant qu'intendant. Il retrouve là Dubois, un de ses anciens serviteurs avec qui il entreprend de conquérir le coeur d'Araminte. Évidemment, il va falloir ruser pour se faire aimer... Jean Piat met en scène avec jubilation et interprète avec malice les ambiguïtés de ces Fausses Confidences, oscillant entre la cruauté des stratagèmes de Dubois et l'amour sincère ressenti par Dorante, entre le paraître et le vrai.
Dans cette oeuvre majeure de Paul Claudel, "la scène est le monde". Tour à tour dramatique et mystique, poétique et comique, lyrique et familier, Le Soulier de satin constitue une somme extraordinaire et foisonnante. L'action se déroule sur vingt ans au temps des conquêtes espagnoles. Rodrigue, le héros, est passionnément amoureux d'une femme mariée, Prouhèze, à laquelle il devra renoncer. Celle-ci, après la mort de son mari, épousera Don Camille, un officier qui la tient à sa merci, et refusera de se donner à Rodrigue, à la fois pour ne pas être infidèle au sacrement du mariage et pour ne pas décevoir la passion d'un amant dont le désir infini ne saurait tolérer de limites humaines. Créée pour la Cour d'honneur du Palais des Papes au festival d'Avignon en 1987, cette première mise en scène du texte intégral du Soulier de satin a été donnée au Théâtre de Chaillot puis en tournée dans quelques villes en 1988. Elle n'a ensuite jamais été reprise.
Au lendemain de la fusillade du Champ-de-Mars du 17 juillet 1791, des bateleurs entreprennent de jouer les principaux événements des deux années qui viennent de s'écouler : de la réunion des États généraux à la proclamation de la loi martiale, en passant par la prise de la Bastille, la Grande Peur, et la nuit du 4 août. Dans une grande liesse populaire, ils tentent de montrer le détournement des espoirs, l'explosion de la joie puis l'effondrement du rêve d'égalité des droits. Pour ce faire, les bateleurs utilisent toutes les formes théâtrales, de la pantomime à la tragédie, des marionnettes à l'opéra-bouffe. Ils repré- sentent ainsi les personnages importants ou humbles de cette année décisive et prennent à leur compte la phrase de Saint-Just : "La Révolution doit s'arrêter à la perfection du bonheur".